FONDS DE TEINT ET AUTOPORTRAITS 1996-1997

1996-1997
Photographic prints and painting with make up and silicone on Aerolam F-Board
Each : 11.8 x 11.8 in / 30 x 30 cm

Les autoportraits de Nicole Hassler sont tous cadrés de la même manière, au plus près du visage, et dans le même format carré, 30 x 30 cm. Mais l’identité de l’artiste reste insondable : selon les Fonds de teints (1996-1999), correcteurs ou naturels, son visage change radicalement. Il sert principalement de support aux fards, qui nous apparaissent également dans des monochromes sur fibre de verre alvéolée, de 30 x 30 cm.

Depuis l’Antiquité, puis aux XVIIe et XIXe siècle, la couleur a été fréquemment jugée inférieure au dessin dans les théories sur la peinture. Nicole Hassler - après s’être consacrée au monochrome noir durant plusieurs années - joue aujourd’hui avec ce qui, dans cette tradition, a été jugé inférieur par rapport à l’essence platonicienne et masculine de l’art : l’apparence sensible, difficilement maîtrisable de la couleur, qu’on associait au maquillage, au Pharmacon grec, accusé de frivolité féminine.

Images doubles, texte : Valentine Reymond, Musée jurassien des Arts, Moutier, 2000

Perturbantes, les surfaces monochromes de Nicole Hassler ont pour support insolite: l’épiderme. Des photographies de son visage jouxtant des carrés recouverts de fond de teint exhibent ses «tests» distants mais attentifs. Avec un rien de défi, elle applique sur sa peau des «bases correctrices» en surfaces radicales, totalisantes, affectant son visage d’un dur cramoisi, d’un bleu lunaire, d’un violet troublant etc. La photographie qui documente ce résultat n’échappe guère à l’analogie de sa précarité. Les noms des produits de beauté révèlent leur approche matérielle et ironique par l’artiste. Toutefois le visage ne représente qu’une étape pour Hassler qui songe à l’extension du cosmétique au torse de l’homme. Lorsque dans le passé, elle peignait ces noirs d’ivoire, d’oxyde, de manganèse, d’Espagne etc., c’était pour sonder d’imperceptibles écarts de lumière, de matière et durée que le monochrome assemble et cristallise. Que la peau soit changeante, et son maquillage éphémère, n’est pas indifférent. Car c’est par le biais d’une artificialité qu’Hassler aborde une dialectique du plan rarement abordée: celle de son improbable «enracinement» à la toile, et de sa superficialité. La certitude minimaliste d’une perception «en soi» du matériau en est déstabilisée, puisque le maquillage est ce qui n’est pas. Lier le monochrome à une fugacité (dont atteste la nécessité photographique), c’est peut-être réussir à isoler, pour mieux la penser, l’insaisissabilité même de son statut virtuellement absolu.

Sous le visible, texte : Michèle Cohen-Hadria, Paris, septembre 1999

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